Immobilier : les prix vont continuer à baisser dans l'ancien, selon le président
Par Mireille Weinberg Rédactrice en cheffe adjointe (Argent-Placements / Macro-économie)
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Le message du président de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier), Loïc Cantin, est clair : les prix ont baissé et ils vont continuer à baisser ! Les Français n'ont pas encore retrouvé le pouvoir d'achat immobilier qu'ils avaient avant la crise. Pour que ce soit le cas, il faudrait que les prix perdent encore 8% à 10%. Pour autant, avec la baisse des taux des crédits immobiliers, cela peut valoir le coup d'acheter pour ceux qui cherchent leur résidence principale. Pour les investisseurs en revanche, ce n'est pas certain : les rendements peuvent être meilleurs sur les produits financiers et notamment le fonds sans risque en euros de l'assurance-vie et l'incertitude politique ne nous permet pas, à ce stade, de dire à quelle sauce fiscale ils seront mangés !
Capital : Le marché immobilier a-t-il repris des couleurs ?
Loïc Cantin : Le premier semestre est conforme à nos prévisions, avec une baisse du volume des transactions. Fin 2023, on comptait 869 000 ventes immobilières seulement sur un an, contre 1 115 000 transactions en décembre 2022. Sur un an à fin mai, le nombre de transactions était encore plus en retrait, à 792 000… Nous tablons entre 750 000 et 800 000 transactions fin 2024, ce qui reste peu élevé.
Les prix ont baissé un peu partout. De combien ?
Oui, les prix ont baissé. Sur un an à fin juin, nous sommes à -7,7% à Paris, à -5,3% en Ile-de-France (hors Paris), à -6,1% dans les 10 plus grandes villes de province et à -2,8% dans les villes moyennes comme dans les communes rurales. Au total, sur l’ensemble du territoire, les prix ont reculé de - 3,8% sur un an à fin juin.
Vont-ils continuer à baisser ?
Il n’y aura pas de reprise des prix tant que les volumes des transactions ne se stabilisent pas. La reprise des ventes est un préalable à toute nouvelle hausse des prix. Or, je vous l’ai dit, ces volumes sont en baisse. Autre marqueur important de l’activité, les crédits accordés. En la matière, le constat est identique : l’activité n’est pas au rendez-vous avec 8,7 milliards de crédits accordés en juin, contre moyenne mensuelle en période dynamique de 25 milliards ! Nous sommes au tiers…Les prix vont donc continuer de baisser. Nous anticipons un recul de l’ordre de -5% à -7% sur l’ensemble de l’année 2024.
Certaines villes résistent à la baisse des prix ambiante. Comment expliquez-vous cela ?
Vous avez raison, toutes les villes ne sont pas logées à la même enseigne. Les plus fortes baisses ont eu lieu à Paris et dans les grandes villes de France, comme Lyon, Lille, Nantes, etc., là où les prix avaient le plus augmenté. Mais certaines villes tirent leur épingle du jeu, notamment la grande résistante qu’est Nice, mais cela vaut aussi pour Cannes par exemple. Cela tient au portrait de leurs habitants, qui sont plus âgés, avec une détention de patrimoine plus importante que la moyenne. Cette population est moins impactée par les problèmes de financement et par la forte hausse des taux des crédits immobiliers. Pour eux, l’obtention d’un crédit pour acheter est moins vitale. Dans ces villes, l’activité, peu impactée par les conditions de financement, reste donc élevée, ce qui soutient les prix. Attention cependant, si les prix ne baissent pas, ils ont cependant cesser leur course folle : ils se sont stabilisés, à un niveau élevé.
Avec la baisse des taux des crédits enclenchée depuis le printemps, le marché peut-il repartir ?
Le marché retrouvera son dynamisme quand les primo-accédants pourront à nouveau recourir au crédit. Ce n’est pas encore le cas, ils rencontrent encore des difficultés. Les taux d’intérêt des crédits sont un paramètre très important. Depuis le printemps, ils ont baissé en moyenne de 0,30 à 0,50 point, passant à 3,70% en moyenne, contre 4,20% au plus haut, fin 2023. Dès qu’ils baissent, c’est un accélérateur de décision d'achat, mais c’est un phénomène de rattrapage, plutôt que de redémarrage. Ce serait une erreur de penser que les prix remontent. En tout état de cause, il faut qu’ils baissent encore de 8% à 10% pour que les Français retrouvent le même pouvoir d'achat immobilier qu’avant 2022. C’est à ce moment-là que le marché retrouvera son dynamisme.
Les vendeurs ont-ils enfin compris qu’ils devaient baisser leur prix ?
Oui. L’immobilier n’est plus cet Eldorado où les plus-values atteignent des niveaux stratosphériques. C’est une période révolue, il faut que les vendeurs l’acceptent.
Où les prix vont-ils recommencer à monter en premier ?
C’est binaire. Ils vont se stabiliser là où ils ont le plus rapidement baissé, donc schématiquement à Paris et dans les 10 plus grandes villes de France. Cette stabilité est la phase intermédiaire avant une éventuelle remontée des prix.
Avec la baisse des taux des crédits au printemps, le marché avait repris quelques couleurs, avant que la situation politique ne vienne le heurter à nouveau. Qu’en est-il aujourd’hui ? Peut-il se relever dans ce contexte ?
Les périodes d’instabilité politique sont pénalisantes pour le marché immobilier. Le manque de perspective se traduit toujours par un certain attentisme. Un investisseur immobilier ne sait pas aujourd’hui à quelle sauce fiscale il va être mangé demain. Quant aux primo-accédants, au cours de la campagne pour les législatives, le parti présidentiel leur a promis une exonération des frais de notaires (droits de mutation), ce qui représente tout de même plus de 5% du prix d'achat. Ce n’est pas rien et il est normal que les primo-accédant désireux de devenir propriétaires attendent de voir ce qui se passe à la rentrée. Tant que nous n’aurons pas retrouvé une certaine visibilité, c’est l’attentisme qui primera.
Est-ce selon vous le bon moment pour acheter ?
Pour les investisseurs immobiliers, ce n’est pas certain. Outre l’aspect fiscal dont je viens de parler, ils peuvent espérer en moyenne un rendement locatif brut de l’ordre de 4% à 5%, sensiblement identique à ce que leur procure un fonds en euros garanti de l’assurance vie, avec un rendement qui peut être supérieur à 4%.
Pour ceux qui veulent acheter leur résidence principale en revanche, le raisonnement est différent. Certes les taux des crédits restent élevés par rapport aux taux très attractifs que nous avons connus avant que l’inflation ne s’invite à la table, mais j’ai connu pour ma part des taux d’intérêt à près de 18% en 1982 ! Pour quelqu’un qui veut se loger, il faut comparer son loyer versus ses mensualités de remboursement de son crédit. Si c’est à peu près équivalent et qu’il est finançable, il faut y aller ! L’acquisition de la résidence principale dans ces conditions est toujours saine. Et puis, rien ne l’empêchera de renégocier son crédit dans les années qui viennent si les taux continuent effectivement de baisser. A 3,70% de taux de crédit actuel, si l’emprunt ne représente pas un trop gros effort d’épargne par rapport à votre loyer, il faut acheter, à condition de conserver votre bien au moins cinq ans pour amortir les frais de mutation. N'oublions pas que l’immobilier reste un investissement de long terme.